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Une Déclaration de Politique Générale pour une nouvelle ère au Sénégal (Par Dr. Abdourahmane Ba)
Le 27 décembre 2024 constitue un moment charnière pour le Sénégal, avec la présentation de la Déclaration de Politique Générale (DPG) par le Premier ministre Ousmane Sonko devant la 15e législature, largement dominée par la liste PASTEF élue en novembre 2024.
Cet exercice intervient dans un contexte de rupture profonde avec le passé, marqué par l’échec du Plan Sénégal Émergent (PSE) et les défis budgétaires et économiques mis en lumière par la Loi de Finances Rectificative (LFR) 2024. La DPG symbolisera ainsi la clôture d’un cycle de gouvernance inefficace et l’ouverture d’une nouvelle ère de politiques publiques, appuyée par la Stratégie Nationale de Développement (SND) 2025-2029.
La LFR 2024, présentée par le ministre des Finances et du Budget, Cheikh Diba, illustre les dysfonctionnements structurels qui ont caractérisé la gestion économique sous le PSE. Avec un budget initial fixé à 7 053,6 milliards de FCFA, le Sénégal a dû réviser ses prévisions face à une baisse de 839,1 milliards de FCFA des recettes budgétaires, conséquence d’une mobilisation insuffisante des ressources internes et externes. Parallèlement, les dépenses ont augmenté de 682,9 milliards de FCFA, principalement pour répondre aux besoins urgents dans les secteurs de l’énergie, de l’agriculture et de la gestion des inondations. Ces ajustements témoignent d’une inadéquation persistante entre les ambitions affichées et la réalité des capacités économiques.
Le déficit budgétaire, révisé à 2 362,2 milliards de FCFA, soit 11,6 % du PIB, dépasse largement le plafond communautaire de 3 % fixé par l’UEMOA et reflète une gestion publique du PSE qui a privilégié des subventions coûteuses et des dépenses mal planifiées. Les subventions énergétiques, par exemple, ont mobilisé 289 milliards de FCFA supplémentaires pour compenser les échecs et pertes de la Senelec, tandis que 73,675 milliards de FCFA ont été alloués à l’agriculture pour apurer des arriérés. Ces choix, bien que justifiés par des urgences conjoncturelles, ont accru la dépendance du Sénégal aux emprunts, avec un financement du déficit prévu à hauteur de 2 138,3 milliards de FCFA.
Ce contexte budgétaire a des implications directes sur les perspectives économiques. La croissance du PIB pour 2024 a été révisée à 6,7 %, loin des 9,2 % initialement projetés par le PSE, en raison de chocs exogènes, de tensions sociopolitiques et d’un ralentissement des moteurs économiques grippés du PSE. La pression fiscale, quant à elle, a chuté à 17,8 %, contre une prévision de 19,4 % et expose les difficultés à élargir la base fiscale et à mobiliser les ressources nécessaires pour financer les priorités nationales. Ces indicateurs renforcent la conclusion que le PSE, en dépit de ses ambitions, n’a pas su répondre aux besoins structurels d’une économie en quête de transformation.
La DPG du 27 décembre s’inscrit donc dans une volonté claire de tourner la page du PSE et d’inaugurer une nouvelle ère guidée par la Vision 2050 et la SND 2025-2029. Cette stratégie ambitionne de corriger les déséquilibres identifiés, notamment en privilégiant une gestion budgétaire rigoureuse et une allocation plus équitable des ressources. La territorialisation des politiques publiques, l’accent sur le capital humain et le développement durable figurent parmi les piliers de cette nouvelle vision. La légitimité politique acquise par la majorité parlementaire PASTEF offre une opportunité unique pour engager ces réformes structurelles indispensables.
La présentation de la DPG revêt une importance particulière, car elle constituera non seulement un exercice de projection stratégique, mais aussi un moment de clarification sur les priorités du gouvernement. Elle permettra d’ancrer les ambitions budgétaires et économiques dans une trajectoire plus réaliste et cohérente, tout en traduisant les attentes populaires en actions concrètes. Ce jour marquera l’entrée officielle du Sénégal dans une phase de refondation institutionnelle, économique et sociale pour mettre en œuvre les leçons tirées des échecs du PSE.
Le 27 décembre 2024 ne sera pas simplement le jour où le Premier ministre Ousmane Sonko exposera sa vision devant la 15e législature ; ce sera également le moment où le Sénégal affirmera sa volonté de rompre avec un cycle d’instabilité budgétaire et de politiques inefficaces. Cette DPG, en s’appuyant sur les enseignements de la LFR 2024 et les orientations de la SND 2025-2029, pourrait poser les bases d’un renouveau tant attendu, axé sur la souveraineté économique, la justice sociale et une gouvernance responsable.
Dr. Abdourahmane Ba
Expert en Evaluation des politiques publiques
Président du mouvement ESSO